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Quand j'ai annoncé à mes parents (quatre jours avant) que je partais en Tunisie, ils se sont empressés de me rappeler que la situation n'était pas stable, que l'État islamique, que les élections, toussa. Ils ne doivent pas être beaucoup plus rassurés avec les six morts dans la banlieue de Tunis.


Du coup, j'en rajoute


Avant tout, il faut quand même savoir que la région de Siliana est plutôt tranquille (touchons du bois). En fait, le directeur de la maison de jeunes, Badis, nous a (en quelques sortes) sous sa responsabilité vis-à-vis des forces de l'ordre. À notre arrivée, il a donc établi une fiche Police pour déclarer notre présence. "Simple formalité" soit disant. Mais depuis, les flics l'appellent constamment pour lui demander où nous tournons, si quelqu'un nous accompagne et vérifie que nous sommes bien à la maison de jeunes le soir. "C'est pour notre sécurité". Ok. Mais on a quand même l'impression d'être fiché. 


J'en rajoute, bis


Hier soir, il y a eu une coupure d'électricité d'une demi-heure vers 19 heures. Nous étions en train de manger chez des amis. Là, appel de Badis dans la seconde :) Hélène lui explique qu'il n'y a rien à craindre. Mais là, son appel était un peu plus fondé. Les coupures d'électricité sont fréquentes en Tunisie. Et personne ne sait pourquoi ni comment. En fait si, tout le monde pense que se sont les djihadistes. Que les coupures aient lieues des jours lambda n'inquiètent pas les Tunisiens. En revanche, c'est un peu plus compliqué si cela se produit dimanche, jour des élections législatives car c'est fraude assurée. En attendant, on voit les militaires s'installer dans Makthar pour "la sécurité". Si la situation n'est pas catastrophique, elle est instable.


Jérémie

Le Reportage

Nous

Les collines, les grenadiers, sans oublier les cerises au gré des va-et-vient des moutons... Nous voulons suivre le quotidien des Tunisiens qui travaillent avec cette faune et flore et qui donnent à la Tunisie de quoi se nourrir. Dans la région de Siliana, nous souhaitons comprendre la vie, les revendications mais aussi les rêves de ces agriculteurs souvent réduits au silence. Plus de trois ans après la révolution et à la veille des premières élections législatives libres, nous avons planté notre trepied à Makthar pour la réalisation d'un long-form multimédia. Ok, c'est à la mode, toussa, mais ça nous permet de publier articles, vidéos, sonores, cartes et d'apprendre pleins de choses !


Hélène et Jérémie

 Le making-of 

 

Hélène Aury (25 ans)

 

Jérémie Poiroux (20 ans)

 

Un grain farfelue, curieuse de mille choses avec toujours des tonnes de questions à poser, je suis fan de vélo et d'auto- stop mais aussi des grands bols d'air en liberté qui élargissent mon horizon. Pour moi, toutes les occasions sont bonnes pour aller à la rencontre des autres, échanger, partager, découvrir leurs préoccupations, leur culture et leur mode de vie, mais aussi rigoler de tout et de rien ou encore refaire le monde avec le petit épicier au coin de ma rue…

 

Ex-étudiant (et je l'espère futur), j'ai pris une année pour mener mes projets. Webdocumentaire, éducation aux médias, journalisme et web, tout y passe ! J'avoue, celui-ci n'était pas prévu, mais bon, ça ne se refuse pas. 

 

PS : Je ne sais pas me présenter, la preuve

 

   

 

Hello world

Ce blog ne sert pas qu'à nous présenter, il permet aussi de raconter les dessous de notre reportage. Pour ma part, j'écrirai également sur cette première expérience de réalisation journalistique à l'étranger. Nous comptons publier un post par jour (donc il y en a deux après celui-ci au 24 octobre)


Pourquoi un making-of ?


C'est très simple : Hélène et moi éprouvons le besoin de raconter ce que nous vivons pendant ces dix jours. Nous sommes persuadés que nous apprendrons davantage de notre projet en écrivant dessus. Du coup, pas de langue de bois !


Mercredi et Jeudi


Départ de Tunis un peu avant 9 heures en louage pour Makthar (durée du trajet : 2 heures 30). Le louage est un minibus qui ne part que s'il est rempli (oui, on peut ne jamais partir). On a attendu 30 minutes et ça nous a coûté 10 dinars par personne (soit un peu moins de 5 euros) pour 150 kilomètres. Valable.
Makthar est une petite ville. Selon les chiffres de 2012, il y aurait un peu plus de 30 000 habitants. Je ne sais pas trop quoi penser de la "beauté" de la ville mais c'est pas très important. (ndlS. ce sont surtout ses environs qui valent la peine d’être vue) Niveau infrastructures, c'est modeste, rien à voir avec Tunis. Le plus gros problème est sûrement le réseau routier (et les coupures de courant, mais on y reviendra). Par contre, Internet marche très bien en 3G (mieux qu'à la maison en France même).


Pour être clair, ce n'est pas du tout touristique (à part un site archéologique) (note de la secrétaire : c’est plus complexe, en fait il s’agit d’un site qui ne se trouve pas sur le parcours typiquement du touriste culturel et de ce fait y a même des archéologues qui sont venu mais qui ont mis des pierres à l’envers). Je pense que l'Irlandais qu'on vient de croiser il y a une heure s'est un peu perdu (c'est le seul européen que l'on a vu depuis notre arrivée) (et oui j'écris avec beaucoup de parenthèses).


Pour ces dix jours, nous dormirons à la maison de jeunes. Ça ressemble à un centre de loisirs, avec activités dessin, ping-pong, basket et même un club de journalisme. Maktharis News se veut un média citoyen, où les jeunes de Makthar peuvent apprendre les pratiques journalistiques locales. C'est un blog, ils ont pas mal de matos mais c'est un peu en friche depuis quelques mois. Et en ce moment, avec les élections, certains "journalistes" qui sont encartés arrêtent l'activité ou font ça à côté. Ça me fait réfléchir à la question de la compatibilité entre militantisme et journalisme.


Sinon, mercredi et jeudi, on a surtout pris des contacts, pleins de contacts. Après, le soucis est toujours de concrétiser. Entre ceux qui draguent Hélène et ceux qui disent "on verra », (NDLS : ou les deux !) c'est pas facile ! Bon, la première vidéo sera mise en ligne demain et si tout va bien, on est bien booké ce week-end.

 

Jérémie

Für Mama

Une interview, enfin

Hier, nous avons réalisé notre première interview. Kamel, un agriculteur "bio" (les guillemets car ici "bio" n'est pas devenu un concept marketing. Les agriculteurs travaillent avec les moyens qu'ils ont) depuis 7 ans a bien voulu répondre à nos questions. Les voici : 


. Quels sont les principaux problèmes qui les touchent ?

. Quelles relations entretiennent les petits et les grands exploitants ?

. Inviterais-tu les jeunes à se lancer dans l'agriculture ?

. Comment se passe la vente des produits ?

. Les élections législatives sont-elles importantes pour les agriculteurs ?

. Quel est ton rêve ?

. As-tu une question à poser à un acteur du monde rural (autre exploitant, syndicat, politique, tête de liste d'un parti...) ?


On va voir ce que ça donne avec la dernière question qui créerait du lien entre les vidéos.

On avait déjà rencontré Kamel jeudi soir mais on a fait n'importe quoi. Tout d'abord, on s'est posé à côté d'une route, à 17 heures 30. C'est LE moment où la nuit tombe, et ça va très vite. Du coup on commence avec le soleil et on termine dans le noir. Après, on a mal configuré la caméra et les micros, on se demande ce qu'on a écouté en cours ! Bref. (NDLS :  parle pour toi, non mais ;) non moi aussi j’en fais partie)


Kamel est donc super-cool et veut bien refaire l'interview, et qui plus est dans son champ (ok, vous allez voir c'est pas fou au niveau de la qualité sonore mais on va y arriver). Donc on prend le taxi qui nous emmène à dix kilomètres de Makthar (NDLS : nous avons un Marseillais parmi nous ! plutôt 5km) et pour le coup, c'est vraiment la campagne. Exit l'imaginaire français, ici le vert est une couleur minoritaire (NDLS : eh oh, c’est pas le même climat non plus, ça de un, mais l’autre problème c’est aussi qu’il y a un manque d’eau présent dans ces régions ce qui est contradictoire avec la typologie. Bon c’est peut-être pas très clair, mais nous allons revenir sur les problèmes écologique). Il y a une raison (ce n'est pas la seule) intéressante : les terres appartiennent à des agriculteurs, mais ils n'ont pas les moyens de les exploiter. On fera un article dans le long-form sur les difficulté financières.


Et sinon, le chauffeur de taxi à failli se faire bouffer par un serpent en marchant dans le champ. On aurait été comme des cons. Voilà. (NDLS : mais grâce à mon cris, et surtout ses sauts de 4 mètres (au chauffeur), tout s’est bien passé)


Jérémie

Une femme d’un certain âge est assise sur une des chaises appartenant au café de Mourad sur la place centrale de Makthar. Ce café est surtout connu pour son excellent "Direct" avec du lait concentré, chez lequel nous passons notre temps à attendre les rendez-vous pour les interviews. (Et cela nous arrive assez souvent :p) Aujourd’hui nous avons même eu le droit à une spéciale dédicasse : "Bonne chance". Mais ce n'est pas pour son café que je vous écrit, mais bien de cette femme que j'ai pu contempler pendant plusieurs minutes.


Cela peut paraître bizarre, mais en Tunisie les femmes ne vont pas tous au café et encore moins dans les régions reculées. C'est quelque chose qui ne se fait pas. Le café est réservé aux hommes. Comme le disait Mourad : "Seules les femmes de passages osent parfois prendre un café." D’où mon étonnement de la voir assise, là, sur le trottoir d’en face avec son foulard bleu sur la tête laissant paraître quelques cheveux et une robe assortie à la même couleur et à discuter avec un monsieur. S’agissait-il de politique ? Du prix de tomates ? Ou bien de la dernière histoire du village ? Je n’en sais point. Mais la discussion était bien animée à deux chaises d'intervalles.


Elle m'a littéralement captivée, chaque ride semblait raconter un instant de sa vie, dont je voulais percer les secrets. Elle semblait à la fois rayonner une certaine paisibilité mais ses mains, et son regard laissait transparaître sûrement un quotidien rythmé par des moments difficiles. Les femmes ici, et cela vaut surtout dans les régions rurales sont les véritables piliers à la maison, mais également dans les champs. Les hommes se contentent de affaires, de la vente et des activités motorisées du type labourer les champs, mais les femmes sont là pour planter, cueillir, désherber, sans oublier bien sûr les tâches ménagères et l'éducation des enfants.

Nous allons essayer de vous en parler un peu plus... lundi.


Hélène

Instant de vie